Impliquer les hommes pour lutter contre les VBG en Ouganda
Kampala - Amos Ojandu est éducateur communautaire dans le district local de Yumbe, dans le nord de l'Ouganda. Il intervient souvent sur des incidents de violence domestique dans sa communauté notamment des cas de maltraitance des enfants et de violence basée sur le genre.
« Mon voisin avait l’habitude de se disputer presque quotidiennement avec sa femme qu’il soupçonnait d’adultère. Lorsqu'elle refusait d'avoir des relations sexuelles avec lui, il la battait devant leurs enfants et la chassait de la maison », se souvient Amos Ojandu, décrivant comment il suppliait le mari de permettre à la femme de retourner dans la maison.
La violence basée sur le genre (VBG) est une violation grave des droits de l'homme et un problème de santé et de protection qui met la vie en danger. Elle désigne des actes préjudiciables dirigés contre une personne en raison de son sexe et trouve son origine dans l'inégalité des sexes, l'abus de pouvoir et les normes néfastes. Elle peut prendre plusieurs formes telles que la violence entre partenaires intimes, la violence sexuelle, le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines.
En Ouganda, un programme de quatre ans dénommé "2gether 4 SRHR" vise à améliorer la santé et les droits sexuels et reproductifs dans le pays. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et ses partenaires soutiennent le gouvernement dans ses initiatives visant à lutter contre les violences basées sur le genre et à offrir un meilleur accès aux services de santé et à l'assistance aux survivants d'abus ou de violences.
Financé par l'Agence suédoise de coopération internationale au développement, le programme Débuté en 2018, "2gether 4 SRHR" est mis en œuvre dans huit districts de l'Ouganda pour aider le gouvernement à créer un environnement juridique et politique favorable qui permette aux gens d'exercer leurs droits sexuels et reproductifs et d'accéder à des services intégrés de qualité pour traiter la santé sexuelle et reproductive, le VIH et les violences basées sur le genre.
Avec le soutien de l'OMS et d'autres partenaires, le programme a mis au point divers outils. Ceux-ci comprennent le manuel de formation pour les groupes d'action masculins, y compris les normes pour les services adaptés aux hommes, le manuel de formation pour les agents de santé sur la prise en charge des victimes de viol, l'outil de supervision de l'appui à la qualité pour les services de lutte contre la VBG, le registre de la VBG pour les structures de santé et le matériel d'IEC pour les travailleurs de santé et les agents communautaires.
En plus des outils développés, le programme a formé plus de 240 travailleurs de santé et 75 officiers de district, policiers et enseignants des écoles primaires et secondaires à leurs rôles et responsabilités dans la prévention et la riposte aux violences basées sur le genre et le soutien aux survivants. Les sujets de formation comprennent la gestion clinique, un accompagnement approprié aux survivants des violences basées sur le genre, le travail en réseau et les réponses multisectorielles à la violence sexiste, tant pour les hommes que pour les femmes.
Au niveau régional, l'OMS a plaidé en faveur de l'inclusion de la participation des hommes dans l'agenda régional pour la santé reproductive et infantile, et dans le traitement des questions relatives aux violences basées sur le genre.
Juliet Cheptoris, point focal contre les violences basées sur le genre au ministère ougandais de la Santé, relève que dans la société largement patriarcale de l'Ouganda, la domination masculine est culturellement acceptée et soutenue par des normes et valeurs communautaires fortes qui peuvent avoir des effets négatifs sur la santé des hommes, des femmes, des adolescents et des enfants.
« Le programme 2gether 4 SRHR utilise des interventions basées sur des données probantes et guidées par la stratégie d'implication des hommes. Ce qui améliorera stratégiquement les résultats de santé de la population dans le pays », dit-elle.
Les groupes masculins mis en place dans chacun des huit districts cibles du programme visent à accroître la participation des hommes et des garçons aux activités liées à la santé et à la nutrition des femmes, des mères, des nouveau-nés, des enfants et des adolescents, à la violence basée sur le genre et à la violence contre les femmes, ainsi qu'à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, y compris le VIH et la tuberculose.
« Nous formons les participants sur les rôles et responsabilités des hommes en matière de santé et des droits sexuels et reproductifs », explique Patrick Ozimuke, infirmier et formateur dans le district de Yumbe.
« Nous éduquons tous les participants sur leur droit à jouir pleinement de leur sexualité et à atteindre leurs objectifs et leurs droits en matière de santé reproductive, mais nous insistons sur le fait que cela doit être fait de manière responsable », ajoute-t-il, soulignant la nécessité pour les hommes de jouir pleinement de leur santé et leur bien-être tout en respectant les droits de leurs partenaires et de leurs enfants.
Les travailleurs de santé ont reçu les bonnes informations et ont été encadrés pour fournir des services intégrés, notamment pour identifier les cas de violence basée sur le genre par le biais des services de santé génésique. Ils sont désormais en mesure de prendre en charge les patients ou de les orienter vers une assistance.
Les communautés sont également plus disposées à discuter et à révéler les problèmes liés à la violence basée sur le genre, affirme le docteur Olive Sentumbwe, en charge de la santé familiale et génésique au bureau de l'OMS en Ouganda, relevant également que les hommes s'impliquent davantage.
« Les avantages potentiels de la participation des hommes sont notamment l'amélioration de la santé de la famille, une meilleure communication entre les couples, une prise de décision conjointe et informée au sein des ménages et une meilleure santé sexuelle et reproductive », assure-t-elle.
Ayant participé à son groupe local de participation des hommes, l'éducateur communautaire Ojandu acquiesce.
« Les hommes et les femmes ont les mêmes droits et nous devrions toujours nous mettre d'accord avant d'agir. Parfois, les enfants n'ont pas besoin de savoir que leurs parents sont en désaccord, car cela affecte aussi leur santé psychosociale », dit-il.
Aujourd'hui, Ojandu organise un dialogue communautaire au cours duquel les membres discutent et se conseillent mutuellement sur des problèmes domestiques. Lui et d'autres prestataires de services communautaires indiquent que le signalement des cas de violences basées sur le genre a augmenté.
« Les gens n'ont plus honte de signaler leurs cas. Ils savent qu'ils ont la loi de leur côté, et nous nous assurons toujours qu'ils reçoivent le bon traitement. »